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mier de tous leurs héros qu’ils célèbrent. Ils ont aussi des chants qu’ils nomment bardit ; ils les répètent ensemble pour enflammer leur courage ; et ces chants mêmes leur servent à augurer du sort du prochain combat : en effet, ils sont terribles ou tremblans suivant l’intonation des chants de leurs bataillons ; et ces voix semblent moins un vain bruit que le concert de la valeur : ils cherchent surtout à produire des sons âpres et des murmures entrecoupés, en plaçant les boucliers au devant de leurs bouches, afin que la voix devienne plus pleine et plus grave, et se grossisse en se répercutant.

Du reste on dit aussi qu’Ulysse, égaré en ses longs et incroyables voyages, fut porté vers cet océan, et qu’il aborda en Germanie ; qu’Asciburgium, ville située sur la rive du Rhin et habitée encore aujourd’hui, fut fondée et nommée par lui ; qu’un autel consacré à Ulysse, et portant aussi le nom de son père Laërte, fut jadis trouvé au même lieu ; qu’enfin des monumens et quelques tombeaux avec des inscriptions grecques, existent encore sur les confins de la Germanie et de la Rhétie : je n’ai le projet ni d’appuyer ces assertions, ni de les réfuter ; chacun, à son gré, peut les rejeter ou les admettre.

IV. J’adopte, quant à moi, l’opinion de ceux qui pensent que les habitans de la Germanie n’ont point été altérés par des mariages avec d’autres peuples, et que cette nation est intacte, pure, semblable à elle seule. Aussi les conformations des individus, quoiqu’en si grand nombre, sont partout les mêmes : les yeux sont