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braves, sont ici même le plus sûr pour les lâches. Les guerres précédentes, où l’on combattit contre les Romains avec une fortune diverse, avaient leur espoir et leur ressource en nous, nous les fils les plus nobles de la Bretagne, et qui, placés au fond même de son sanctuaire, et ne voyant pas les rivages de la servitude, avons eu nos yeux même préservés du contact de la tyrannie. Placés à l’extrémité du monde, derniers restes de sa liberté, cette retraite, qui nous cache à la renommée, nous avait jusqu’ici protégés : maintenant les dernières limites de la Bretagne sont à découvert ; ce qu’on ignore est ce qui en impose. Mais derrière nous plus de nation, rien, que des flots et des rochers ; et à l’intérieur sont les Romains, à l’orgueil desquels vainement vous penseriez échapper par l’obéissance et par la soumission : envahisseurs de l’univers, quand les terres manquent à leurs dévastations, ils fouillent même les mers ; avares, si l’ennemi est riche ; ambitieux, s’il est pauvre. Ni l’Orient ni l’Occident ne les ont rassasiés ; seuls, de tous les mortels, ils poursuivent d’une égale ardeur et les richesses et la misère : enlever, égorger, piller, c’est, dans leur faux langage, gouverner ; et, où ils ont fait un désert, ils disent qu’ils ont donné la paix.

XXXI. La nature a voulu que les enfants et les parents fussent à chacun ce qu’il eût de plus cher : ils nous sont enlevés par des enrôlements, pour aller obéir en d’autres climats. Si nos épouses et nos sœurs échappent à la brutalité ennemie, les Romains les déshonorent sous le nom d’hôtes et d’amis. Nos biens, nos fortunes, sont absorbés par les tributs ; nos blés, par les réquisitions : nos corps mêmes et nos bras s’usent,