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liaires on pouvait subjuguer et occuper l’Hibernie ; que ce serait même très utile contre la Bretagne, si elle ne voyait de toutes parts que les armes romaines, et si la liberté était comme ravie à ses regards.

XXV. L’été suivant, qui commençait la sixième année de son gouvernement, il fit cerner les cités placées de l’autre côté de la Bodotria ; effrayé du soulèvement de toutes les peuplades ultérieures, et de voir les chemins infestés par l’armée ennemie, il fit explorer les ports par sa flotte. Employée pour la première fois par Agricola, comme partie de ses forces, elle suivait l’armée, et formait un admirable spectacle. Alors la guerre se poussait à la fois et sur terre et sur mer ; et souvent, dans le même camp, fantassin, cavalier, marin, confondant et leurs rangs et leur joie, exaltaient chacun ses exploits, ses aventures. Tantôt c’était les profondeurs des forêts et des vallées, tantôt les furies des flots et des tempêtes ; ici leur victoire sur terre, là leur conquête sur l’Océan qu’ils dépeignaient avec toute la jactance militaire. La vue de la flotte, ainsi qu’on l’apprenait des prisonniers, consternait les Bretons, comme si, le secret de leur mer étant découvert, le dernier refuge eût été fermé aux vaincus. Ne comptant donc plus que sur leur valeur et leurs armes, tous les peuples de la Calédonie vinrent, avec un grand appareil que la renommée, selon qu’il arrive dans les choses inconnues, agrandissait encore, attaquer les premiers nos forteresses, et, comme agresseurs, répandirent l’effroi ; déjà les plus pusillanimes, sous le voile de la prudence, conseillaient de retourner en deçà de la Bodotria, et de se retirer plutôt que d’être repoussés, lorsque Agricola s’aperçoit que les ennemis se préparent à fondre