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une mer immense et sans bornes. Nos auteurs les plus éloquents, Tite-Live parmi les anciens, et Fabius Rusticus parmi les modernes, l’ont assimilée à un plat oblong ou à une hache à deux tranchants, et telle est en effet sa figure en deçà de la Calédonie ; et de là on l’a admise pour toute l’île ; mais un vaste et prodigieux espace de terres, se prolongeant jusqu’à son extrémité, va s’y rétrécir en forme de coin. Ce fut alors que la flotte romaine, ayant, pour la première fois, visité le tour de ces bords d’une mer toute nouvelle, s’assura que la Bretagne était une île ; et, en même temps, elle découvrit et subjugua des îles inconnues jusqu’alors, et qu’on appelle les Orcades ; elle entrevit aussi Thulé, quoique cachée sous les neiges et les frimats. Du reste, cette mer est dormante et lourde à la rame : on dit même que les vents la soulèvent peu : c’est, je crois, parce que les terrains, les montagnes, où se forment et grossissent les tempêtes, y sont plus rares, et que la masse profonde de cette mer sans bornes est plus lente à s’émouvoir. Il n’est point dans l’objet de cet ouvrage de rechercher quelle est la nature de l’Océan et de ses mouvements, dont beaucoup d’autres ont parlé ; j’ajouterai seulement que nulle part la mer ne fait plus sentir sa puissance ; elle refoule çà et là des eaux dans l’intérieur, et non seulement elle s’élève au dessus du rivage, ou même se répand au loin, mais elle flue intérieurement, y circule, et s’enferme dans les vallées, au milieu des montagnes, comme en ses propres bords.

XI. Du reste, les mortels qui habitèrent les premiers la Bretagne, étaient-ils indigènes ou étrangers ? comme chez tous les barbares, on le sait peu. Les conformations varient, et de là des conjectures. Les chevelures rousses