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nus avec plus de douceur que n’en méritait cette province intraitable. Agricola tempéra sa propre énergie et modéra son ardeur pour ne point paraître s’élever au dessus de son chef, sachant déférer à ses supérieurs, et ayant appris à unir les égards aux devoirs. Bientôt la Bretagne reçut pour consulaire Petilius Cerialis. Alors les mérites eurent un libre espace pour se montrer. D’abord Cerialis l’associa seulement aux travaux et aux périls, et bientôt à la gloire. Souvent, pour l’éprouver, il lui fit commander quelque portion de l’armée ; quelquefois, d’après ses succès, il lui confia de plus grandes forces ; et jamais Agricola n’exalta ses actions pour accroître sa renommée : se regardant comme simple subalterne, il rapportait ses succès à son général, comme à leur seul auteur. Ainsi, par son esprit de subordination, par sa modestie dans ses rapports, il échappait à l’envie, non pas à la gloire.

IX. A son retour de ce commandement, Vespasien l’admit entre les patriciens, et ensuite lui confia le gouvernement de l’Aquitaine, dignité des plus considérables par son administration, et parce qu’elle donnait l’espoir du consulat à qui en était revêtu. On croit en général que les esprits, voués aux études militaires, manquent de finesse, parce que la juridiction des camps, prompte, peu compliquée, et agissant le plus souvent par voie de fait, n’a point recours aux subtilités de la justice civile. Agricola, par sa pénétration naturelle, déploya, sous la toge même, autant de facilité que de justesse d’esprit. Tout aussitôt les moments de ses travaux et de ses loisirs furent réglés : dès que les assemblées et les jugements l’exigeaient, il était grave, attentif, sévère, et, le plus souvent, indulgent ; dès qu’il avait satisfait au devoir, le