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remèdes sont moins prompts que les maux, et de même que les corps s’accroissent lentement, s’éteignent en un instant, ainsi il est plus facile d’étouffer le génie et l’émulation que de les ranimer. Car la douceur de l’oisiveté même, s’insinue peu à peu, et l’inaction, à charge d’abord, finit par nous charmer. Que sera-ce donc si, durant quinze années, espace considérable de la vie des mortels, beaucoup d’entre nous ont succombé par des accidents fortuits, et les plus généreux sous la cruauté du prince ? Nous restons en petit nombre, survivant, non seulement aux autres, mais pour ainsi dire à nous-mêmes, si nous ôtons du cours de notre existence tant d’années, durant lesquelles nous sommes parvenus en silence, les jeunes à la vieillesse, les vieillards presque au terme de leur carrière. Toutefois, je n’hésiterai point à exposer ici, quoique d’une voix sans art et peu exercée, le souvenir de la précédente servitude et les témoignages du bonheur présent. En attendant, ce livre consacré à l’honneur d’Agricola, mon beau-père, pourra, dans l’expression de ma piété filiale, trouver son éloge ou son excuse.

IV. Cn. Julius Agricola, originaire de Fréjus, colonie ancienne et célèbre, eut ses deux aïeuls procurateurs des Césars, dignité qui égale celle de chevalier. Son père, Julius Grécinus, de l’ordre des sénateurs, connu par son amour pour l’éloquence et la philosophie, mérita, par ces qualités mêmes, la colère de l’empereur Caligula ; et en effet, il reçut l’ordre d’accuser Marcus Silanus, refusa et périt. Sa mère fut Julia Procilla, de la plus rare chasteté. Elevé dans son sein et par sa tendresse, il passa au milieu des études de tous les arts libéraux son enfance et sa jeunesse. Ce qui l’éloigna des séductions du vice fut, outre son naturel pur et vertueux, la résidence