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ter, et ils forcent Aurélien à leur céder la province de Dacie ; l’empire épouvanté cherche à se prémunir contre les Barbares, qui l’assiègent sans cesse, et Probus fait construire une large muraille depuis le Rhin jusqu’au Danube, pour être protégé contre les nations germaniques : le désordre suit ces attaques sans cesse renouvelées : bientôt quatre empereurs se disputent le trône et régnent en même temps ; le siège de l’empire est transporté à Constantinople. Les Romains avaient fait de ces peuples des esclaves, et déjà un Barbare d’origine germaine, Magnence, est proclamé empereur d’Italie. Valens est défait à la bataille d’Andrinople, et les Goths, sous le commandement d’Alaric, envahissent l’Italie ; Rome est trois fois assiégée ; prise d’assaut, elle est livrée au pillage. Dès cette époque la puissance romaine est abattue, et ses conquérans sauvages, fatigués de tant d’incursions, pensent à former des établissemens dans les contrées fertiles qu’ils ravagent depuis tant de siècles. Us fondent des royaumes en Italie, en France, en Espagne ; ils en établissent un en Afrique, sur les ruines mêmes de Carthage ; ils se livrent entre eux de longues guerres qui semblent n’avoir pas encore cessé, et leurs chefs, sous les titres de ducs, de comtes et de centeniers, ainsi que les nomme Tacite, gouvernent ces portions de terres qu’ils sont venus saisir. Tous les habitans du sol, les Romains, les Ibères, les Gaulois, sont traités en esclaves attachés à ces terres conquises : des tributs, des droits, des redevances, sont imposés de la manière même indiquée par Tacite, et les mœurs germaines se retrouvent tout entières, et telles que l’historien les a fait connaître, chez ces peuples barbares que Rome avait vus jadis avec tant de joie s’égorger entre eux.

Après des siècles de fer où les sciences, les arts semblent à jamais perdus, la civilisation renaît peu à peu ; avec elle les vainqueurs s’adoucissent et se rapprochent des vaincus, la servitude s’allège, et, après une lutte opiniâtre et sanglante, un nouvel accord semble devoir se maintenir sur d’égales lois entre les princes et les peuples.

Il était sans doute d’un grand intérêt de connaître l’ordre des faits que Tacite rapporte dans son ouvrage sur la Germanie, et il ne l’était pas moins de suivre dans leur existence militaire et politique ces peuples barbares, si nombreux, si divers, que Tacite a si bien décrits, dont les mœurs et les usages se sont maintenus