général, ils ne rabattirent rien de leur orgueil. Ils arment la jeunesse, transportent les femmes et les enfants dans des lieux sûrs, et cimentent par des réunions et des sacrifices une ligue de toutes les cités. Ainsi l’on se quitta de part et d’autre la vengeance dans le cœur.
XXVIII. Pendant le même été, une cohorte d’Usipiens[1], levée en Germanie et transportée en Bretagne, fit un coup d’audace extraordinaire et digne de mémoire. Ils massacrent le centurion et les soldats qui, distribués dans chaque manipule pour les former à la discipline, y servaient à la fois de maîtres et de modèles, et s’embarquent sur trois bâtiments légers, dont ils entraînent par force les pilotes. Un de ceux-ci leur ayant échappé, ils tuent les deux autres comme suspects ; et leur entreprise était encore ignorée, que déjà ils avaient disparu comme par miracle et voguaient en pleine mer. Bientôt, emportés çà et là, forcés de combattre avec les Bretons qui se défendaient contre leurs pillages, souvent vainqueurs, quelquefois repoussés, ils furent réduits par la faim à manger les plus faibles d’entre eux, puis ceux que désignait le sort. Après avoir fait ainsi le tour de la Bretagne, ils perdirent leurs vaisseaux, faute de savoir les gouverner, furent pris pour des pirates, et tombèrent successivement dans les mains des Suèves et dans celles des Frisons. Il en est même qui, vendus comme esclaves, ont été amenés, de maître en maître, jusque sur notre rive[2], où le récit de cette étonnante aventure leur a donné de la célébrité. Au commencement de l’été suivant, Agricola fut frappé d’un malheur domestique, la perte d’un fils qui lui était né depuis un an. Il soutint ce coup sans étaler la fermeté ambitieuse de la plupart des âmes fortes, et sans se livrer non plus, comme les femmes, au désespoir et aux larmes dans le deuil, la guerre était un de ses remèdes.
XXIX. Il fait partir sa flotte la première, avec ordre de piller sur plusieurs points de la côte, afin que, menacé partout, l’ennemi ne sût jamais où était le péril ; et lui-même, à la tête de son armée sans bagage, à laquelle il avait ajouté un corps de Bretons éprouvés par une longue fidélité et connus par leur valeur, il s’avance jusqu’au mont Grampius[3]. Les ennemis