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exempts de soucis et de charges, toutes les routes du crédit et des honneurs ouvertes à leurs désirs ? Fallait-il que les promesses de la loi, si longtemps attendues, fussent enfin éludées, et que le prétendu père d’enfants qu’il possède sans inquiétude et perd sans regret vînt tout à coup balancer les vœux longs et patients d’un père véritable ? " Un sénatus-consulte prononça que les adoptions simulées ne donneraient aucun droit aux fonctions publiques, et n’autoriseraient pas même à recevoir des héritages.

5. La loi Papia Poppéa, rendue sous Auguste, l’an de Rome 702, qui renouvelait et complétait la loi Julia, portée vingt-cinq ans plus tôt, accordait ou confirmait certains privilèges aux citoyens mariés et qui avaient des enfants. Ainsi, ils étaient préférés pour les magistratures et le gouvernement des provinces, et, entre plusieurs candidats, celui qui avait le plus d’enfants devait l’emporter ; ils pouvaient aspirer aux dignités avant l’âge légal, etc.

Procès du Crétois Timarchus

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Ensuite on instruisit le procès du Crétois Timarchus. Outre ces injustices que la richesse orgueilleuse et puissante fait éprouver aux faibles dans toutes les provinces, on lui reprochait une parole dont l’injurieuse atteinte pénétrait jusqu’au sénat : il avait affecté de dire "qu’il dépendait de lui que les gouverneurs de la Crète reçussent, ou non, des actions de grâces." Thraséas, faisant tourner cette occasion au profit de la chose publique, vota d’abord l’exil du coupable hors de la province de Crète, ensuite il ajouta : "L’expérience prouve, pères conscrits, que les bonnes lois, les actes faits pour servir d’exemple, sont inspirés aux gens de bien par les vices des méchants. Ainsi doivent naissance à la licence des orateurs la loi Cincia, aux brigues des candidats les lois Juliennes6, aux magistrats avares les plébiscites Calpurniens7 ; car, dans l’ordre des temps, la faute précède la peine, et la réforme vient après l’abus. Prenons aussi, contre cet orgueil nouveau des hommes de province, une résolution digne de la justice et de la gravité romaine, et qui, sans rien diminuer de la protection due aux alliés, nous désabuse de l’erreur qu’un Romain a d’autres juges de sa réputation que ses concitoyens.

6. Portées par Auguste pour réprimer la brigue.
7. L’an de Rome 605, le tribun L. Calpurnius Piso fit rendre la première loi contre les concussionnaires : elle donnait aux habitants des provinces le droit de poursuivre à Rome la restitution des sommes extorquées par les magistrats, et un tribunal permanent fut établi pour en connaître.

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"Jadis ce n’était pas seulement un préteur ou un consul qu’on envoyait dans les provinces : des particuliers même allaient quelquefois s’assurer de la soumission de chacun, afin d’en rendre compte, et des nations entières attendaient en tremblant le jugement d’un seul homme. Maintenant nous caressons les étrangers, nous rampons devant eux ; et si, d’un geste, ils disposent ici des remerciements, plus facilement encore