s’il en tirera vengeance. L’honneur public eut peu de défenseurs. Le plus grand nombre, inclinant pour le parti le plus sûr, soutinrent que ces crimes étrangers devaient faire notre joie, qu’il fallait même jeter parmi les barbares des semences de haine, comme avaient fait plusieurs fois les empereurs romains en donnant cette même Arménie moins comme un présent que comme un sujet de discordes. "Que Rhadamiste jouisse de son injuste conquête, pourvu qu’il en jouisse odieux et décrié ; elle servirait moins bien les intérêts de Rome, si elle était plus glorieuse" Cet avis prévalut. Cependant, pour ne point paraître approuver un crime, et dans la crainte que Claude ne donnât des ordres contraires, on fit sommer Pharasmane d’abandonner l’Arménie et d’en rappeler son fils.
Julius Pélignus le corrompu
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La Cappadoce avait pour procurateur Julius Pélignus, homme à qui les difformités de son corps, autant que la lâcheté de son âme, attiraient le mépris, mais l’un des familiers de Claude, à l’époque où celui-ci, encore simple particulier, amusait avec des bouffons ses stupides loisirs. Pélignus lève dans sa province un corps d’auxiliaires, comme pour reconquérir l’Arménie ; et, après avoir pillé les alliés plutôt que les ennemis, abandonné des siens, assailli par les barbares, dépourvu de ressources, il se rend chez Rhadamiste. Gagné par l’or de ce prince, il l’exhorta le premier à ceindre le diadème, et, satellite d’un ennemi, il autorisa cette cérémonie par sa présence. Quand cette honteuse nouvelle fut divulguée, pour montrer que tous les Romains n’étaient pas des Pélignus, on envoya le lieutenant Helvidius Priscus à la tête d’une légion, avec pouvoir de remédier au désordre selon les circonstances. Helvidius franchit rapidement le mont Taurus ; et déjà, par la douceur plus que par la force, il avait commencé à rétablir le calme, lorsqu’il reçut l’ordre de rentrer en Syrie, de peur d’occasionner une guerre avec les Parthes.
Les Parthes arrivent
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Car Vologèse, croyant le moment arrivé de reprendre l’Arménie, possédée jadis par ses ancêtres et devenue par un crime la proie de l’étranger, avait rassemblé des troupes, et se préparait à placer sur ce trône Tiridate, son frère, afin que sa famille ne comptât que des rois. L’arrivée des Parthes suffit, même sans combat, pour chasser les Ibères, et les villes arméniennes d’Artaxate et de Tigranocerte acceptèrent le joug. Ensuite un hiver rigoureux, le défaut de vivres, dû peut-être à l’imprévoyance, et les maladies produites par cette double cause, forcèrent Vologèse de quitter pour le moment sa conquête.