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longue expérience, n’avait pas tenu contre cet enivrement du pouvoir qui change et bouleverse les âmes, qu’attendre de Caïus, à peine sorti de l’enfance, ignorant de toutes choses, ou nourri dans la science du mal ? Entrerait-il dans de meilleures voies, sous la conduite d’un Macron, qui, pire que Séjan et, à ce titre, choisi pour l’accabler, avait déchiré la république par plus de forfaits encore ? Déjà il voyait s’avancer un plus dur esclavage, et il fuyait à la fois le passé et l’avenir." Après ces mots, prononcés avec un accent prophétique, il s’ouvrit les veines. La suite prouvera qu’Arruntius fit sagement de mourir. Albucilla, blessée par sa propre main d’un coup mal assuré, fut portée dans la prison par ordre du sénat. Les ministres de ses débauches furent condamnés, Carsidius Sacerdos, ancien préteur, à être déporté dans une île, Pontius Frégellanus à perdre le rang de sénateur. On prononça les mêmes peines contre Lélius Balbus, et ce fut avec plaisir : Balbus passait pour un orateur d’une éloquence farouche, toujours prête à se déchaîner contre l’innocence.

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Pendant ces mêmes jours, Sext. Papinius, d’une famille consulaire, choisit un trépas aussi affreux que soudain ; il se précipita. La cause en fut imputée à sa mère, dont les caresses et les séductions, longtemps repoussées, avaient, disait-on, réduit enfin ce jeune homme à une épreuve d’où il ne pouvait sortir que par la mort. Accusée devant le sénat, en vain elle se jeta aux pieds de ses juges, attestant la douleur que cause à tous les hommes la perte d’un fils, douleur plus vive en un sexe plus faible ; en vain, pour augmenter la pitié, elle fit entendre de longues et déchirantes lamentations : elle n’en fut pas moins bannie de Rome pour dix ans, en attendant que le second de ses fils eût passé l’âge où les pièges sont à craindre.

Mort de Tibère
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Déjà le corps, déjà les forces défaillaient chez Tibère, mais non la dissimulation. C’était la même inflexibilité d’âme, la même attention sur ses paroles et ses regards, avec un mélange étudié de manières gracieuses, vains déguisements d’une visible décadence. Après avoir plusieurs fois changé de séjour, il s’arrêta enfin auprès du promontoire de Misène, dans une maison qui avait eu jadis Lucullus pour maître. C’est là, qu’on sut qu’il approchait de ses derniers instants, et voici de quelle manière. Auprès de lui était un habile médecin nommé Chariclès, qui, sans gouverner habituellement la santé du prince, lui donnait cependant ses conseils. Chariclès, quittant l’empereur