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avaient péri, on consacrerait tous les ans un don à Jupiter.

Mort de Coccéius Nerva et de Plancine
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Peu de temps après, Coccéius Nerva, ami inséparable du prince, profondément versé dans les lois divines et humaines, jouissant d’une fortune prospère, exempt d’infirmités, résolut de mourir. Instruit de ce dessein, Tibère ne quitte plus ses côtés, le presse de questions, a recours aux prières, lui avoue enfin quel poids ce sera pour sa conscience, quelle injure pour sa renommée, que son ami le plus intime ait fui la vie sans aucune raison de vouloir la mort. Nerva, sourd à ces représentations, s’abstint dès lors de toute nourriture. Les confidents de ses pensées disaient que, voyant de plus près que personne les maux de la république, c’était par colère et par crainte qu’il avait cherché une fin honorable, avant que sa gloire et son repos fussent attaqués. Au reste, la perte d’Agrippine, ce qu’on croirait à peine, entraîna celle de Plancine. Mariée autrefois à Cn. Pison, cette femme avait publiquement triomphé de la mort de Germanicus. Quand Pison tomba, protégée par les prières de Livie, elle ne le fut pas moins par la haine d’Agrippine. Dès que la haine et la faveur cessèrent, la justice prévalut. Accusée de crimes manifestes, elle s’en punit de sa main, châtiment plus tardif que rigoureux.

Remariage de Julie, fille de Drusus
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Pendant que toutes ces morts mettaient Rome en deuil, ce fut un surcroît de douleur de voir Julie, fille de Drusus, autrefois épouse de Néron, passer par le mariage dans la maison de Rubellius Blandus, petit-fils d’un homme que plusieurs se souvenaient d’avoir connu à Tibur simple chevalier romain. A la fin de l’année, la mort d’Elius Lamia fut honorée par des funérailles solennelles. Elius, délivré enfin du vain titre de gouverneur de Syrie, avait été préfet de Rome. Sa naissance était distinguée ; sa vieillesse fut pleine de vigueur, et le gouvernement dont on l’avait privé le relevait encore dans l’estime publique. On lut ensuite, à l’occasion de la mort de Pomponius Flaccus, propréteur de Syrie, une lettre de Tibère. Il se plaignait de ce que les hommes les plus illustres et les plus capables de commander les armées refusaient cet emploi ; refus qui le contraignait d’avoir recours aux prières pour déterminer quelques-uns des consulaires à se charger des gouvernements. Il avait oublié que depuis dix ans il empêchait Arruntius de se rendre en Espagne. La même année, mourut M. Lépidus, dont j’ai assez fait connaître la modération et la sagesse dans les livres précédents. Il est inutile de parler longuement