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VOYAGE

dont il ſe ſépare une partie ; & comme c’eſt un vent impétueux qui pouſſe cette portion détachée, elle change inſenſiblement de figure & prend celle d’une longue colonne, qui deſcend juſques ſur la ſurface de la Mer ; demeurant d’autant plus en l’air que la violence du vent l’y retient, ou que les parties inferieures ſoûtiennent celles qui ſont deſſus. Auſſi quand on vient à couper ce long tube d’eau par les vergues & les mats du Vaiſſeau qui entrent dedans, quand on ne peut pas s’en garantir ; ou à interrompre le mouvement du vent en raréfiant l’air voiſin par les coups de canon ou de mouſquets : alors l’eau n’étant plus ſoûtenuë tombe en tres-grande abondance, & tout le dragon ſe diſſipe auſſi-tôt.

Il eſt dangereux de rencontrer les Dragons d’eau.

On fait tout ce qu’on peut pour les éviter, leur rencontre étant fort dangereuſe, non seulement à cauſe de l’eau qui tombe dans le Navire, mais encore à cauſe de la violence ſubite & de la peſanteur extraordinaire du tourbillon qui l’emporte & qui eft capable de démâter les plus gros Vaiſſeaux, & même de les mettre en danger de périr. Ces dragons d’eau, quoyque de loin ils paroiſſent aſſez petits & ſemblables à des colonnes de ſix ou ſept pieds de diamètre, ont neanmoins beau-