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VOYAGE

recevoir l’air. C’eſt ſans doute pour cela que ces poiſſons lèvent de tems en tems la tête, & quelquefois tout le corps hors de l’eau & qu’ils vont toûjours du côté du vent ; delà vient auſſi que quand les Mariniers voyent des Marſoüins qui s’avancent de quelque côté pendant le calme, ils ne manquent pas de dire que le vent en doit venir. Quoy qu’il en ſoit du préſentiment, nous avons quelquefois heureuſement trouvé les prédictions des Matelots véritables.

Les Marſoüins ſe dévorent les uns les autres.

J’avois ſouvent oüy dire, & j’avois même remarqué dans un voyage que j’ay fait à l’Amérique, que quand un de ces poiſſons est bleſſé à mort, & qu’il a aſſez de force pour ſe détacher du harpon, les autres le ſuivent à la trace du ſang qu’il répand en abondance ſans le quitter juſqu’à ce qu’il ſoit mort, afin de le dévorer, je me confirmay dans cette opinion. Car un jour un Marſoüin qui avoit été frappé fit tant d’effort qu’il s’arracha le harpon du ventre & ſe ſauva de nos mains, il y en avoit alors beaucoup d’autres autour de nous. Mais dés que celuy-cy fut bleſſé, & qu’il eut pris la fuite, tout diſparut & on n’en vit pas un ſeul de toute la journée.

Puiſque nous sommes ſur le Chapitre de la