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VOYAGE

ſix lieuës en quarré long, dont les deux grands cotez pouvoient bien avoir chacun dix lieuës de longueur, & les deux autres chacun trois lieuës. Toute cette vaſte étenduë étoit bordée de deux rangs de feux, qui regnoient tout au tour ſur deux lignes à quatre ou cinq pas de diſtance les uns des autres. Ces feux ſont entretenus toute la nuit du bois de la Foreſt, & ſoûtenus en l’air à la hauteur de ſept ou huit pieds ſur de petites plattes-formes quarrées, élevées ſur quatre pieux, ce qui faiſoit qu’on pouvoit les voir tout à la fois de fort loin. Ce ſpectacle me parut dans les ténébres la plus belle illumination que j’aye jamais vûë. De grandes lanternes diſposées d’eſpace en eſpace faiſoient la diſtinction des quartiers, que commandoient différens Chefs, avec certain nombre d’Eléphans de guerre & de Chaſſeurs armez comme les ſoldats. On tiroit de tems en tems de petites pieces de Campagne, afin d’étonner par ce bruit, auſſi bien que par tous ces feux, les Eléphans qui voudroient forcer le paſſage, ainſi qu’ils l’avoient forcé peu de jours auparavant, parce qu’on n’avoit pas pris cette précaution. Comme il s’étoit trouvé dans l’enceinte de la Chaſſe une montagne eſcarpée, on l’avoit cruë ſi inacceſſible à ces animaux qui