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grâce des sacrements aux premiers habitants français de notre pays ; ils ont marié nos ancêtres, baptisé ceux qui furent nos pères, administré leurs mourants et prié pour leurs morts ; ils ont instruit les premières générations de notre peuple. Ils se sont faits mendiants, eux, des hommes de premier ordre, et, de cette façon, ont recueilli pour le Canada, en France, des sommes comparativement énormes, tandis qu’ils vivaient et mouraient tous dans la pauvreté. Quand le pays, après une guerre désastreuse dont ils partagèrent les misères et les angoisses, dût passer à d’autres maîtres, le vainqueur voulut de nouvelles victimes, ils furent expulsés, il ne demeura en Canada que quelques Pères qui continuèrent l’exercice du saint ministère et dont le dernier mourut au commencement de la première année de ce siècle ; ce fut, pour nos gens, une des douleurs de la conquête. Récemment, par des temps meilleurs, les Jésuites nous sont revenus et les Canadiens-Français les ont reçus à bras ouverts.

Mgr de Laval eut à lutter, au prix de son repos et de sa santé, contre ceux qui, sans être des ennemis de l’Église, voulaient l’humilier dans sa personne, contre ceux qui réclamaient, comme un droit, la liberté d’empoisonner et de démoraliser les Sauvages et les Français avec l’eau-de-vie ; il a mis en réquisition ses hautes relations de famille pour se procurer, en France, les moyens de subvenir aux besoins d’une chrétienté pauvre jusqu’à la destitution.

Voilà les véritables documents. Des faits, patents, indéniables, immenses ! M. X. et M. Z. ont écrit contre Mgr de Laval et contre les Jésuites ; mais qu’ont fait M. X. et M. Z., en dehors de leurs écritures. Les grands travailleurs, Champlain, Pierre Boucher, M. de Montmagny, M. de Lauzon et les autres ont rendu justice aux Jésuites. Mgr de Laval laisse, après lui ; des monuments impérissables et une mémoire que vénèrent et chérissent toutes les intelligences bien faites et tous les cœurs droits. Voilà le bien jugé.

Ces mots — documents contre les Jésuites — réveillent en moi un souvenir bien pénible, mais qui me rend plus obligatoire et plus sacrée encore la tâche désagréable que j’accomplis ici, et m’engage à profiter de l’occasion pour la réparation d’une faute dont le sang me rend, en quelque sorte, solidaire.

Ceux qui ont étudié la vie intime de notre population savent qu’à la fin du dix-huitième siècle et dans la première partie du dix-neuvième ; l’esprit de Voltaire avait pénétré au sein de la classe instruite en Canada : il en reste encore quelque chose, bien que Voltaire soit aujourd’hui fort démodé. À la lecture des œuvres du « ricaneur infernal » et des écrits de ses compagnons d’incrédulité, quelques-uns perdirent la foi ; le plus grand nombre des victimes se bornèrent à devenir frondeurs et moqueurs des personnes et des choses consacrées à Dieu, jusqu’au moment où, la grâce triomphant de la faiblesse