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de droit qu’il lui arrogeait. Mieux valait un monopole de cette nature que d’être à la merci des entrepreneurs de colonisation qui ne colonisaient point. D’ailleurs les marchands s’étaient déclarés prêts à céder leurs droits, argent comptant, et madame de Guercheville les avait pris au mot. »

Mais ce qui était bon à Saint-Sauveur, en Acadie, n’aurait pas dû être si mal à Québec, où on était loin d’en avoir fait autant.

D’où viennent ces contradictions dans les idées, ces démentis de théories et d’appréciation donnés à M. Sulte par M. Sulte lui-même ? Cela vient, tout probablement, de mauvaises lectures. La droiture d’une éducation chrétienne prend quelquefois le dessus, ou bien un bon auteur consulté sur le moment donne une bonne inspiration ; d’autres fois les influences néfastes l’emportent.

Cette circonstance de l’établissement de la compagnie organisée par Mme de Guercheville fut le prétexte, comme bien on peut penser, comme toujours du reste, d’attaques contre les Jésuites. Il est bon de citer ici Champlain, qui, avec son honnêteté, son courage et sa rondeur ordinaires, repousse ces calomnies : « C’est ce contrat d’association, » dit l’illustre fondateur de la Nouvelle-France, « qui a fait tant semer de bruits, de plaintes et de crieries contre les Pères Jésuites, qui, en cela et en toute autre chose, se sont équitablement gouvernés selon Dieu et raison, à la honte et confusion de leurs envieux et médisants. »

La grande ombre de Champlain ne vous semble-t-elle pas, ici, se dresser en face des héritiers et successeurs de ces calomniateurs d’autrefois ?

On a vu que M. Sulte cherche à mettre les Jésuites et leurs œuvres en antagonisme, en hostilité même avec les intérêts de la colonie et avec les habitants, à mettre à leur charge tout ce qui arrivait de fâcheux, en leur attribuant l’exercice d’une influence néfaste. Voyez, à l’encontre de tout cela, ce qu’il dit à la page 17 de son second volume, parlant des gens que la compagnie de Caen avait chez les Hurons, pour faire la traite :

« Les missionnaires ne parvenaient pas toujours à contrôler ces gens qui, en partie, étaient huguenots. Sous le régime des compagnies, les questions de morale n’étaient pas ce dont on s’occupait. Champlain, les Récollets, les Jésuites, les habitants du pays s’en plaignaient à qui de droit ; mais leur influence ne s’étendait point au-delà du poste de Québec, etc. »

À la page 21 du même volume, il parle de l’accord qui régnait entre les Pères et les habitants. À la page 42 du même volume, il parle d’une expédition « frétée par les Jésuites » pour venir au secours de la colonie. À la page 63 du même volume, il reconnaît la conformité d’idées qui existait dans