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terres donnaient déjà un surplus, grâce à l’activité qu’ils avaient apportée dans leurs défrichements, comme le dit Champlain, livraient leur excédant au prix des années d’abondance, où le donnaient à ceux qui ne pouvaient en acheter. « Les Jésuites s’occupaient de toutes autres choses que des habitants, » dit M. Sulte. C’est comme cela que le Père de Noue périt, dans une tempête, en allant desservir les défenseurs du fort Richelieu, que le Père Jogues retourna chez les Iroquois, où il fut mis à mort, étant ambassadeur envoyé par le gouverneur dans l’intérêt de la colonie, que le Père Poncet tomba entre les mains des barbares alors qu’il était avec un habitant, occupé à sauver la récolte d’une pauvre veuve, que le Père De Quen mourut de fièvres pernicieuses, contractées au chevet des colons malades qu’il soignait, en compagnie de son évêque, Mgr de Laval.

Mais je m’arrête. Il est humiliant d’avoir à défendre, contre les attaques et les calomnies d’un Canadien Français, d’un catholique, des hommes qui ont bu le plus amer de la coupe de nos douleurs ; qui ont partagé et soulagé les souffrances de nos ancêtres, qui ont usé leurs forces et versé leur sang dans la prédication de l’Évangile et l’exercice de leur apostolat, qui comptent parmi les gloires les plus pures et les plus radieuses de notre histoire !

Je n’ai pas le droit de scruter les intentions ; mais j’ai celui de faire l’examen public d’un livre soumis à l’appréciation publique et qu’on destinait pénétrer dans nos demeures, à être lu par nos enfants et nos petits-enfants. J’en suis toujours à me demander : Qu’est-ce qui a pu porter M. Sulte à commettre cette mauvaise action, à en répéter, à satiété, les actes, plusieurs mois durant ?


III


Ce n’est pas tout d’un coup que M. Sulte en est venu aux extrêmes que j’ai signalés dans son livre ; mais, dès le commencement, il était facile de voir qu’il faisait fausse route et qu’il s’engageait dans une pente, sur laquelle de plus forts que lui n’ont pas su ou n’ont pas pu s’arrêter. Aujourd’hui, ayant à passer condamnation et réprobation de son œuvre, on aurait un regret à ajouter aux autres, si des avertissements charitables, venant des personnes sages qui suivaient les progrès de la publication de son ouvrage, ne lui avaient pas été donnés à temps. Heureusement qu’il n’en est point ainsi ; M. Sulte a reçu de nombreux avis, c’est lui-même qui nous le dit, et nous allons voir comment il a accueilli les conseils de gens assez bien disposés, assez bienveillants, pour lui écrire lui-même, dans un but qui ne pouvait être autre qu’un but de charité, à son égard et à l’égard du public, surtout des jeunes gens.