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« Le lecteur a pu juger, dit-il en un endroit de son livre, si nous suivons la vérité historique, telle que les documents nous la font connaître…

La mode qui se répand, ajoute-t-il, d’argumenter sur notre passé devrait bien avoir sa source dans l’étude, et non pas dans une foule de fantaisies qui ressemblent aux contes dont Chateaubriand a régalé ses lecteurs.

« Il est vrai pourtant, dit-il encore, que nous défendons ici une cause — la cause des Habitants — méconnue par la généralité des écrivains ; mais nous n’agissons de la sorte que pour rétablir la vérité sur plusieurs points, et montrer le vide des auteurs qui se sont occupés des Canadiens-Français, qu’ils assimilent toujours aux Européens et qu’ils confondent avec ces derniers dans la plupart de leurs ouvrages. »

Hein !

M. Sulte en veut beaucoup à M. de Chateaubriand. Il n’entre pas dans le plan de mes correspondances d’établir le parallèle entre ces deux écrivains, mais, comme ça, tout d’un coup, il me frappe que les lecteurs de M. de Chateaubriand sont à meilleur festin que ceux de M. Sulte.

Notre auteur feint d’ignorer que les nations algonquines des bords du Saint-Laurent, que les Hurons et même les Iroquois ont été convertis au christianisme ; il traite la tentative des Jésuites d’évangéliser les sauvages de « mauvaise affaire, » « d’illusion, » « d’aveuglement. » Dans ce genre crâne qu’il affectionne, avec cette profonde intelligence des convenances qui le distingue, M. Sulte dit :

« Ceux qui, de nos jours, ont cru devoir signaler une telle inconséquence et rappeler que, semblable à la célèbre charge de cavalerie à Balaklava, cette nouvelle entreprise des Jésuites avait occasionné des massacres en pure perte, se sont vu imputer un manque de foi religieuse. »

Dieu a voulu rendre fructueuses les missions des Jésuites, le succès leur eût-il complètement manqué, que cela ne changerait rien à la nature des choses. Les Jésuites ne sont pas, comme vous et moi, M. Sulte, des employés du ministère de la milice ou du ministère de l’agriculture, et ils ne font rien qui ressemble, de près ou de loin, à une charge de cavalerie, Ils sont apôtres, leur commission et leurs ordres viennent de Jésus-Christ lui-même, et ça se lit ainsi : « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Et vous serez haïs de tous à cause de mon nom. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. »

Le devoir corrélatif de ceux qui ne sont point apôtres, mais qui ont été baptisés et enseignés, c’est d’aider, de toutes leurs forces, de tous leurs moyens, les apôtres dans l’accomplissement de leur mission, car nous en avons la promesse : « Celui qui reçoit un prophète, en sa qualité de prophète, aura la récompense au prophète. » C’est ce qu’ont mérité nos ancêtres, M. Sulte ; mais vous ne les avez pas compris. Encore une fois, vous paraissez incapable de les comprendre.

Laissant ces hautes régions, où M. Sulte n’a pas pu ou n’a