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Que ne peut-on pas attendre d’écrivains capables de pareilles audaces ? Un chercheur de nouvelles, avisé par une pauvre monomaniaque, décide de l’état mental de cette dernière, pour le présent et pour le passé ! Quels sont ces « enemies » de Rose Church ? L’avocat consulté, les médecins experts, les Sœurs de la Providence, sans doute, pour qui Rose Church, en dehors des devoirs de profession et de charité qu’ils ont eu à exercer envers elle, est absolument la première venue, dont ils ignoraient même probablement l’existence avant d’avoir été mis en contact avec elle, par des circonstances tout-à-fait en dehors de leurs désirs et de leur volonté ! Ces ennemis, fantômes de l’hallucination, n’ont pu prouver la folie de Rose Church ! Pourquoi alors, s’est-on légalement emparé de sa personne ? Pourquoi les experts l’ont-ils, à diverses reprises, déclarée aliénée, folle dangereuse ? Pourquoi le juge, si bien disposé en faveur des amis de Rose Church, a-t-il cru devoir lui donner un gardien, garant de sa conduite ? Tout cela crève les yeux de qui veut voir.

Les écrits d’une certaine presse contre nos institutions de la Province de Québec, sont tous du même acabit : on se croit tout permis sous l’égide des préjugés, du fanatisme et de la partisanerie. L’usage que certaines gens font en ce moment de la malheureuse Rose Church n’a pas lieu d’étonner trop, il y a, entre leur maladie et la sienne, beaucoup plus de rapports qu’il n’en apparaît à première vue. La monomanie, la folie raisonnante qui a sa cause et son objet dans la haine de tout ce qui se rattache, de près ou de loin, aux principes du catholicisme et à la nationalité française, affecte les allures qui caractérisent l’entité morbide qui lui sert de type. Toujours présente à l’état latent, elle se manifeste, à des intervalles plus ou moins rapprochées, par des exacerbations qui vont quelquefois jusqu’à la fureur chez quelques uns. Un pareil désordre est, pour la société canadienne, ce qu’est la folie affective pour la famille, a frightful domestic unhappiness, selon l’expression de M. le Dr Tuke. En verrons-nous jamais la fin ? À tout cas, ça prendra du temps : car le mal est invétéré.