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ou non, on ne peut la mettre en liberté que sur l’ordre d’une autorité compétente. C’était aussi simple que raisonnable, c’était évident ; mais la raison et l’évidence ne tiennent pas contre les préjugés et le fanatisme et on continua à tenir les sœurs responsables de la détention de Rose Church et à répandre force mensonges sur la manière dont elle était traitée.

Il y avait différence d’opinion, entre les médecins aliénistes d’un côté et les médecins consultés par les agitateurs de l’autre. Les premiers ont la prétention, légitime et fondée en raison, d’en savoir pour le moins tout autant que leurs contradicteurs : au mieux aller pour ces derniers, ce ne pourrait être qu’un cas de divergence d’opinion entre docteurs d’une autorité égale : ceci s’est vu de tous temps :

Le médecin Tant-pis allait voir un malade
Que visitait aussi son confrère Tant-mieux.


Enfin, on finit par s’adresser à la justice ; ce qu’on aurait dû faire de suite, sans tapage et sans calomnies, si on avait été sincère et exempt d’arrières pensées dans l’affaire de Rose Church. Naturellement, le juge ne comprenant rien aux affections mentales dut avoir recours à une nouvelle expertise. Les gens qui menaient la campagne contre les Sœurs, sur le dos de Rose Lynam, voulaient avoir trois experts, avec l’intention bien arrêtée d’obtenir que deux au moins de ces experts fussent des gens sur lesquels ils pussent compter ; mais le juge résista, cette fois, et ne nomma qu’un expert.

L’expert, un aliéniste dans l’emploi du gouvernement, constata chez Rose Church un calme affecté, des mouvements impulsifs pour le moins étranges, une perversion de sentiments à l’égard de son mari et de ses enfants ; avec une absence apparente d’idées délirantes et d’hallucinations. Cette femme lui témoigna qu’elle avait pour son mari une telle haine que l’idée de se venger était passée chez elle à l’état d’idée fixe. Elle aimerait bien à voir son mari mort, mais elle aimerait autant mourir avant lui, pour revenir exercer contre lui, après sa mort à elle, une vengeance plus complète : elle n’entretient aucun doute sur ce rôle de revenant-tortureur qu’elle pourrait, dans le cas, exercer contre son mari. Interrogée pour savoir si elle n’aimerait pas mieux occuper une