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enfants, tantôt elle était sujette à des accès de fureur, pendant lesquels elle menaçait son mari de le tuer, à coups de hache, et ses enfants d’aller les noyer à la rivière.

L’avocat consulté par Lynam se rendit chez ce dernier accompagné de M. le Dr Howard, médecin aliéniste, pour constater l’état mental de Rose Church. Ils trouvèrent Rose Church en proie à un accès de rage insensée : elle avait les cheveux épars, ses habits étaient en désordre, les aliments d’un repas étaient répandus sur le lit, et les enfants, tremblant d’épouvante, étaient blottis dans un coin.

On prit immédiatement les mesures nécessaires ; Rose Church fut arrêtée et, à la suite d’une expertise médicale, internée à l’asile de la Longue Pointe, comme affectée de folie dangereuse, diagnostic que sa conduite à l’asile ne fit que confirmer. Cette femme qui, d’ordinaire, avait l’air de jouir de sa raison, passait souvent de l’état le plus calme à des accès de fureur maniaque ; son regard et ses allures étaient tels que ses deux petites filles en avaient une terreur irrésistible, que l’amour qu’elles ont pour leur mère et les caresses que celle-ci leur prodiguait quelquefois ne réussissaient point à faire disparaître. Ce cas est un cas ordinaire ; dans le fait de l’internement il n’y a absolument rien d’étrange : il en aurait été ainsi dans tous les pays civilisés. Les administrateurs des asiles ne jouent en tout cela, qu’un rôle absolument passif. Les choses se seraient ainsi passées si, au lieu des Sœurs de la Providence, on eut eu, à l’asile de la Longue Pointe un comité d’une société biblique ; il en eut été de même si l’asile eut été propriété de l’état, administrée par un fonctionnaire quelconque, médecin ou non-médecin.

Mais voici que des gens s’imaginent de dire que Rose Church n’est pas folle et qu’on la retient injustement à l’asile. On s’arme de l’opinion de deux médecins, amici curiæ, qui déclarent que cette malheureuse est saine d’esprit, puis on répand le bruit que cette femme, sur ses dires à elle-même, est maltraitée dans l’asile ; mauvais traitements qui se réduisent à l’avoir classée parmi les fous dangereux, d’après les motifs qui ont déterminé son internement et l’avis des médecins. On demande aux Sœurs la mise en liberté de Rose Church : la supérieure répond qu’elle croit cette femme aliénée ; mais que, folle