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avoir ses préférences ; mais personne n’a le droit d’imposer ses opinions.

Un asile n’est pas bon, parce qu’il appartient au public, un asile n’est pas mauvais parce qu’il appartient à des particuliers. On a parfaitement le droit de préférer tel ou tel système pour les malades soutenus par le trésor public, même le système des villages à aliénés que plusieurs préconisent ; mais c’est se moquer de l’intelligence du public que d’essayer de donner le change, et d’avoir l’air de croire qu’en employant des mots ignobles, pour désigner des choses respectables, on aura gagné son point.

L’asile des amours de M. le Dr Tuke, la York Retreat, qui reconnaît pour fondateur un aïeul de ce dernier, feu M. William Tuke, asile qui a subi l’influence successive de M. Henry Tuke, grand père de l’auteur des Chapters, de son père M. Samuel Tuke ; asile qui a eu pour médecin visiteur M. Daniel Hack Tuke lui-même, a été une fondation privée, a été administré par ses propriétaires et fut établi pour l’usage d’une secte religieuse, celle des Quakers. Le séjour dans cette retraite, n’appartenant point à l’État, était, paraît-il, tout à fait enchanteur pour les aliénés. M. le Dr Tuke nous raconte, à la page 120 de ses Chapters, qu’un malheureux fou, sorti d’un autre asile qui, selon toutes les apparences, devait être un asile de l’État, et sorti dans un état pitoyable causé par les mauvais traitements, après avoir joui quelque temps des douceurs de la York Retreat, se vit passer, de l’état d’impotence, à la condition de pouvoir marcher tout seul — « able to walk without assistance. » Ceci pourrait, à la rigueur, n’être qu’un incident fort ordinaire, mais la poésie s’y est introduite et le narrateur ajoute : — « When, one of his friends visited him and asked him what he called the place, he replied, with great earnestness, Eden, Eden, Eden ! »

Sans avoir la prétention de faire d’un asile de fous un paradis sur la terre, pourquoi des Sœurs de Charité et des particuliers de croyance catholique, ne pourraient-ils pas être admis à tenir une pension pour les aliénés, aux mêmes titres qu’un comité de la Society of friends ! J’ai parlé plus haut d’un asile établi et administré dans ces dernières conditions, le Mount Hope, où les particuliers et les corps de l’État pensionnent des malades riches et pauvres, à la satisfaction de tout le monde ; absolument d’après le