Page:Taché - Les asiles d'aliénés de la province de Québec et leurs détracteurs, 1885.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14

Certes, les nobles et saintes femmes qui portent en elles la consécration opérée par le dévouement, poussé jusqu’à l’immolation de tout le moi humain, les femmes instruites qui ont tracé ces belles lignes, les femmes modestes qui se donnent, devant Dieu et devant les hommes, pour rôle, d’être servantes des malades sous la direction des médecins, peuvent regarder de haut leurs détracteurs et pardonner facilement d’ineptes sarcasmes, impuissants à les atteindre. Le Guide Pratique ne contient qu’une page spécialement consacrée à l’aliénation mentale, c’est autant que beaucoup de manuels et de dictionnaires abrégés célèbres ; et si quelqu’un était réduit à ne pouvoir consulter, sur cette affection, que le livre des Sœurs de la Providence ou les Chapters de M. le Dr Daniel Hack Tuke, M. D. F. R. C. P., il ferait bien de choisir, de préférence, le livre des Sœurs. M. le Dr Tuke pourrait dire, sans doute, que son ouvrage n’est pas un traité sur l’aliénation mentale, mais une histoire des asiles d’aliénés d’Angleterre ; ce à quoi on peut lui répondre que le volume des Sœurs de la Providence est une pharmacopée-guide, et non pas un ouvrage sur la folie.

Le livre des Sœurs, à la page 947, dont il est ici question, dit à propos du traitement de la folie : — « Le traitement moral consiste à appliquer l’art de l’éducation à la folie par le moyen de l’obéissance, du travail, de la ponctualité, des distractions, des punitions et des récompenses, de la confiance, du changement de lieu, de l’affermissement du principe moral et religieux, en prenant en considération le caractère individuel du malade et l’espèce de folie. »

Il serait difficile de dire plus et de dire mieux en si peu de mots, sur le traitement moral de l’aliénation mentale. La rage de critiquer les religieuses et les besoins d’une mauvaise thèse ont aveuglé M. le Dr Tuke, jusqu’à le pousser à se mettre, à propos de ce passage, dans le cas d’être convaincu ou d’ignorance ou d’insigne mauvaise foi. En effet, quand il dit : — « Among the moral remedies, I regret to see that “punitions” are enumerated » — M. le Dr Tuke fait exhibition d’une ignorance déplorable, si son regret est sincère ; si ce regret n’est pas sincère, alors il fait exhibition d’une odieuse mauvaise foi ; car les punitions comme les récompenses font bien certainement partie du traitement