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TABLEAU DE LA FRANCE.


plaines décolorées du centre, abjurer l’orgueil et l’enflure, la forme oratoire elle-même, pour porter son dernier fruit, le plus exquis, le plus français. La Bourgogne semble avoir encore quelque chose de ses Burgundes ; la sève enivrante de Beaune et de Mâcon trouble comme celle du Rhin. L’éloquence bourguignonne tient de la rhétorique. L’exubérante beauté des femmes de Vermanton et d’Auxerre n’exprime pas mal cette littérature et l’ampleur de ses formes. La chair et le sang dominent ici ; l’enflure aussi, et la sentimentalité vulgaire. Citons seulement Crébillon, Longepierre et Sedaine. Il nous faut quelque chose de plus sobre et de plus sévère pour former le noyau de la France.

C’est une triste chute que de tomber de la Bourgogne dans la Champagne, de voir, après ces riants coteaux, des plaines basses et crayeuses. Sans parler du désert de la Champagne-Pouilleuse, le pays est généralement plat, pâle, d’un prosaïsme désolant. Les bêtes sont chétives ; les minéraux, les plantes peu variés. De maussades rivières traînent leur eau blanchâtre entre deux rangs de jeunes peupliers. La maison, jeune aussi, et caduque en naissant, tâche de défendre un peu sa frêle existence en s’encapuchonnant tant qu’elle peut d’ardoises, au moins de pauvres ardoises de bois ; mais sous sa fausse ardoise, sous sa peinture délavée par la pluie, perce la craie, blanche, sale, indigente.

De telles maisons ne peuvent pas faire de belles villes. Châlons n’est guère plus gaie que ses plaines. Troyes est presque aussi laide qu’industrieuse. Reims est triste dans la largeur solennelle de ses rues, qui fait paraître les maisons plus basses encore ; ville autrefois de bourgeois et de prêtres, vraie sœur de Tours, ville sacrée et tant soit peu dévote ; chapelets et pains d’épice, bons petits draps, petit vin admirable, des foires et des pèlerinages.

Ces villes, essentiellement démocratiques et antiféodales,