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TABLEAU DE LA FRANCE


l’ardoise ; les maisons s’enduisent de limaille de fer. Manufactures d’armes, tanneries, ardoisières, tout cela n’égaye pas le pays. Mais la race est distinguée : quelque chose d’intelligent, de sobre, d’économe ; la figure un peu sèche, et taillée à vives arrêtes. Ce caractère de sécheresse et de sévérité n’est point particulier à la petite Genève de Sedan ; il est presque partout le même. Le pays n’est pas riche, et l’ennemi à deux pas ; cela donne à penser. L’habitant est sérieux. L’esprit critique domine. C’est l’ordinaire chez les gens qui sentent qu’ils valent mieux que leur fortune.

Derrière cette rude et héroïque zone de Dauphiné, Franche-Comté, Lorraine, Ardennes, s’en développe une autre tout autrement douce, et plus féconde des fruits de la pensée. Je parle des provinces du Lyonnais, de la Bourgogne et de la Champagne. Zone vineuse, de poésie inspirée, d’éloquence, d’élégante et ingénieuse littérature. Ceux-ci n’avaient pas, comme les autres, à recevoir et renvoyer sans cesse le choc de l’invasion étrangère. Ils ont pu, mieux abrités, cultiver à loisir la fleur délicate de la civilisation.

D’abord, tout près du Dauphiné, la grande et aimable ville de Lyon, avec son génie éminemment sociable, unissant les peuples comme les fleuves[1]. Cette pointe du Rhône et de la Saône semble avoir été toujours un lieu sacré. Les Segusii de Lyon dépendaient du peuple druidique des Édues. Là, soixante tribus de la Gaule dressèrent l’autel d’Auguste, et Caligula y établit ces combats d’éloquence où le vaincu était jeté dans le Rhône, s’il n’aimait mieux effacer son discours avec sa langue. À sa place, on jetait des victimes dans le fleuve, selon le vieil usage celtique

  1. La Saône jusqu’au Rhône, et le Rhône jusqu’à la mer, séparaient la France de l’Empire. Lyon, bâtie surtout sur la rive gauche de la Saône, était une cité impériale ; mais les comtes de Lyon relevaient de la France pour les faubourgs de Saint-Just et de Saint-Irénée.