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TABLEAU DE LA FRANCE


ils taillèrent d’abord des chapelets pour l’Espagne et pour l’Italie ; aujourd’hui qu’ils sont libres, ils couvrent les routes de la France de rouliers et de colporteurs.

Sous son évêque même, Metz était libre, comme Liége, comme Lyon ; elle avait son échevin, ses Treize, ainsi que Strasbourg. Entre la grande Meuse et la petite (la Moselle, Mosula), les trois villes ecclésiastiques, Metz, Toul et Verdun[1], placées en triangle, formaient un terrain neutre, une île, un asile aux serfs fugitifs. Les juifs même, proscrits partout, étaient reçus dans Metz. C’était le border français entre nous et l’Empire. Là, il n’y avait point de barrière naturelle contre l’Allemagne, comme en Dauphiné et en Franche-comté. Les beaux ballons des Vosges, la chaîne même de l’Alsace, ces montagnes à formes douces et paisibles, favorisaient d’autant mieux la guerre. Cette terre ostrasienne, partout marquée des monuments carlovingiens[2] avec ses douze grandes maisons, ses cent vingt pairs, avec son abbaye souveraine de Remiremont, où Charlemagne et son fils faisaient leurs grandes chasses d’automne, où l’on portait l’épée devant l’abbesse[3], la Lorraine offrait une miniature de l’empire germanique. L’Allemagne y était partout pêle-mêle avec la France, partout se trouvait la frontière. Là aussi se forma, et dans les vallées de la Meuse et de la Moselle, et dans les forêts des Vosges, une population vague et flottante, qui ne savait pas trop son origine, vivant sur le commun, sur le noble et le prêtre, qui les prenaient tour à tour à leur service.

  1. App., 28.
  2. On voyait à Metz le tombeau de Louis le Débonnaire et l’original des Annales de Metz, mss. de 894 — Les abeilles, dont il est si souvent question dans les capitulaires, donnaient à Metz son hydromel si vanté.
  3. Pour être dame de Remiremont, il fallait prouver deux cents ans de noblesse des deux côtés. — pour être chanoinesse, ou demoiselle à Épinal, il fallait prouver quatre générations de pères et mères nobles App., 29.