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TABLEAU DE LA FRANCE


la campagne est belle, soit que vous parcouriez les vastes et solitaires prairies du Cantal et du Mont-Dor, au bruit monotone des cascades, soit que, de l’île basaltique où repose Clermont, vous promeniez vos regards sur la fertile Limagne et sur le Puy-de-Dôme, ce joli dé à coudre de sept cents toises, voilé, dévoilé tour à tour par les nuages qui l’aiment et qui ne peuvent ni le fuir ni lui rester. C’est qu’en effet l’Auvergne est battue d’un vent éternel et contradictoire, dont les vallées opposées et alternées de ses montagnes animent, irritent les courants. Pays froid sous un ciel déjà méridional, où l’on gèle sur les laves. Aussi, dans les montagnes, la population reste l’hiver presque toujours blottie dans les étables, entourée d’une chaude et lourde atmosphère[1]. Chargée, comme les Limousins, de je ne sais combien d’habits épais et pesants, on dirait une race méridionale[2] grelottant au vent du nord, et comme resserrée, durcie, sous ce ciel étranger. Vin grossier, fromage amer[3], comme l’herbe rude d’où il vient. Ils vendent aussi leurs laves, leurs pierres ponces, leurs pierreries communes[4], leurs fruits communs qui descendent l’Allier par bateau. Le rouge, la couleur barbare par excellence est celle qu’ils préfèrent ; ils aiment le gros vin rouge, le bétail rouge. Plus laborieux qu’industrieux, ils labourent encore souvent les terres fortes et profondes de leurs plaines avec la petite charrue du Midi, qui égratigne à peine le sol[5]. Ils

  1. App., 13.
  2. En Limagne, race laide, qui semble méridionale ; de Brioude jusqu’aux sources de l’Allier, on dirait des crétins ou des mendiants espagnols. (De Pradt.)
  3. L’amertume de leurs fromages tient, soit à la façon, soit à la dureté et l’aigreur de l’herbe, les pâturages ne sont jamais renouvelés.
  4. Jusqu’en 1784, les Espagnols venaient acheter les pierreries grossières de l’Auvergne.
  5. Dans le pays d’outre-Loire, on n’emploie guère que l’araire, petite charrue insuffisante pour les terres fortes. Dans tout le Midi, les chariots et outils sont petits et faibles. — Arthur Young vit avec indignation cette petite charrue qui effleurait la terre, et calomniait sa fertilité.