de raviver par la science la nationalité de leur pays, n’ont été accueillis que par la risée. Moi-même j’ai vu à T*** le savant ami de le Brigant, le vieux M. D*** (qu’ils ne connaissent que sous le nom de M. Système). Au milieu de cinq ou six volumes dépareillés, le pauvre vieillard, seul, couché sur une chaise séculaire, sans soin filial, sans famille, se mourait de la fièvre entre une grammaire irlandaise et une grammaire hébraïque. Il se ranima pour me déclamer quelques vers bretons sur un rhythme emphatique et monotone qui, pourtant, n’était pas sans charme. Je ne pus voir, sans compassion profonde, ce représentant de la nationalité celtique, ce défenseur expirant d’une langue et d’une poésie expirantes.
Nous pouvons suivre le monde celtique, le long de la Loire, jusqu’aux limites géologiques de la Bretagne, aux ardoisières d’Angers ; ou bien jusqu’au grand monument druidique de Saumur, le plus important peut-être qui reste aujourd’hui ; ou encore jusqu’à Tours, la métropole ecclésiastique de la Bretagne, au moyen âge.
Nantes est un demi-Bordeaux, moins brillant et plus sage, mêlé d’opulence coloniale et de sobriété bretonne. Civilisé entre deux barbaries, commerçant entre deux guerres civiles, jeté là comme pour rompre la communication. À travers passe la grande Loire, tourbillonnant entre la Bretagne et la Vendée ; le fleuve des noyades. Quel torrent ! écrivait Carrier, enivré de la poésie de son crime, quel torrent révolutionnaire que cette Loire !
C’est à Saint-Florent, au lieu même où s’élève la colonne du vendéen Bonchamps, qu’au IXe siècle le breton Noménoé, vainqueur des Northmans, avait dressé sa propre statue ; elle était tournée vers l’Anjou, vers la France, qu’il regardait comme sa proie[1]. Mais l’Anjou devait l’empor-
- ↑ Charles le Chauve, à son tour, s’en fit élever une en regard de la Bretagne.