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Mlle  Krone, secrétaire du malade, déclara qu’à son retour de Blühnbach, en septembre 1944, après avoir été absente depuis mai 1944, elle ne pouvait plus prendre les lettres dictées par Krupp von Bohlen. Normalement, c’était un homme très pointilleux et sa diction et ses écrits étaient corrects et très précis. Elle déclare que, après septembre 1944, le cours de ses idées était fréquemment interrompu, sa syntaxe était défectueuse et parfois il ne paraissait pas se rendre compte du sens de certains mots. Elle tirait de lui une idée de ce qu’il voulait dire, puis elle écrivait la lettre elle-même, selon ce qu’elle avait compris être ce qu’il voulait dire. Son écriture aussi devint de plus en plus illisible, il eut des difficultés à signer son nom quand il donna une procuration à sa famille en janvier 1945.

Le domestique a été au service personnel de Krupp pendant vingt ans et voyagea partout avec lui dans le monde. Il décrit son maître comme étant un homme très actif physiquement et mentalement, extrêmement pointilleux sur tous les détails personnels. Il portait une grande attention à ses habits et s’attachait au moindre défaut. Il s’abstenait habituellement de tout excès, ne buvait jamais d’alcool et n’était pas fumeur. Bien que très sportif et physiquement capable de hauts faits d’endurance à la chasse, au tennis, ou en escalade, jamais il n’en abusa, et il prenait soin de lui-même sans attacher une importance excessive à sa santé. Le domestique remarqua pour la première fois de sérieux changements dans les habitudes personnelles du malade il y a deux ans, bien que, à son avis, Krupp ait décliné lentement pendant quatre ou cinq ans environ. L’importance du changement, antérieurement aux deux dernières années était cependant si peu apparent, et son maître était, selon lui, un tel « surhomme » que ces changements n’auraient pas été apparents pour un observateur inattentif. Il y a deux ans, il commença à ne plus attacher d’intérêt aux détails de ses vêtements et ne fit plus attention à sa tenue à table. Par exemple, un jour qu’on lui servait de la soupe, il prit sa cuillère à soupe et s’en servit pour prendre de l’eau dans son verre. Récemment, il se mettait à table et demandait qui était là, bien que les seules personnes qui se trouvaient dans la pièce fussent les parents proches. Il se plaignait d’un bruit de sonnerie de téléphone et des paroles qu’on lui adressait ; ces hallucinations devinrent plus fréquentes au cours de la deuxième moitié de 1944. Le domestique fut employé comme gardien de la maison principale par le Gouvernement Militaire américain après la cessation des hostilités en Europe et il ne vit plus régulièrement son maître après juin 1945. Le 7 août 1945, à l’occasion de l’anniversaire de Gustav Krupp von Bohlen, il vint présenter ses respects ; pour la première fois, il ne fut pas reconnu. Son maître ne parut pas se rendre compte de sa présence, ni de ce qu’il disait.