Scène VI.
Aux plus vaillans guerriers qu’on ait ouï vanter,
Jusqu’ici Bradamante avoit su résister,
Et puis qu’elle vous cede, on a sujet de croire
Qu’avec vous en tous lieux vous traînez la victoire,
Elle vous est soumise, & vous lui commandez.
L’amour sur tous les cœurs a des droits bien fondés ;
Et brûlant d’une flamme aussi pure qu’ardente,
J’ai dû l’avoir pour aide à vaincre Bradamante.
Elle est votre conquête, & se donnant à vous,
Sans doute, elle remplit ses desirs les plus doux.
Mais avant le défi qu’on lui permit de faire,
Elle étoit engagée à Roger, à mon frere,
Il l’aime ; & je prétens, les armes à la main,
Quand votre hymen s’apprête, en rompre le dessein.
Je dois peu redouter cette fiere entreprise,
Lorsqu’on vainc Bradamante, on peut vaincre Marphise ;
Et s’agissant pour moi d’un bien si plein d’appas,
Tout l’Univers armé ne m’étonneroit pas.
Mais contre cet hymen ma surprise est extrême
De ne voir pas Roger se déclarer lui-même.
J’apprens qu’il est ici. Qu’il se montre, il est beau
Que par lui mon triomphe ait un éclat nouveau.