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La Duchesse.

Au supplice ?Oui, Madame, & je crains bien, hélas !
Que ce moment ne soit celui de son trépas.

Élisabeth, à Tilney.

Qu’on l’empêche ; cours, vole, & fais qu’on le raméne.
Je veux, je veux qu’il vive.



Scène III.

ÉLISABETH, LA DUCHESSE.
Élisabeth.

Je veux, je veux qu’il vive. Enfin, superbe reine,
Son invincible orgueil te réduit à céder,
Sans qu’il demande rien, tu veux tout accorder.
Il vivra, sans qu’il doive à la moindre priere
Ces jours qu’il n’emploiera qu’à te rendre moins fiere,
Qu’à te faire mieux voir l’indigne abaissement
Où te porte un amour qu’il brave impunément.
Tu n’es plus cette reine autrefois grande, auguste,
Ton cœur s’est fait esclave, obéis, il est juste.
Cessez de soupirer, Duchesse, je me rens,
Mes bontés de ses jours vous sont de sûrs garans.
C’est fait, je lui pardonne.

La Duchesse.

C’est fait, je lui pardonne.Ah, que je crains, Madame,
Que son malheur trop tard n’ait attendri votre ame !
Une secrette horreur me le fait pressentir.
J’étois dans la prison d’où je l’ai vû sortir ;
La douleur qui des sens m’avoit ôté l’usage,
M’a du temps près de vous fait perdre l’avantage ;
Et ce qui doit surtout augmenter mon souci,
J’ai rencontré Coban à quelques pas d’ici.