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Scène IV.

ÉLISABETH, LA DUCHESSE.
Élisabeth.

Venez, venez, Duchesse, & plaignez mes ennuis,
Je cherche à pardonner, je le veux, je le puis ;
Et je tremble toujours qu’un obstiné coupable,
Lui-même contre moi ne soit inexorable.
Ciel, qui me fis un cœur & si noble & si grand,
Ne le devois-tu pas former indifférent ?
Falloit-il qu’un ingrat aussi fier que sa reine,
Me donnant tant d’amour, fut digne de ma haine,
Ou si tu résolvois de m’en laisser trahir,
Pourquoi ne m’as-tu pas permis de le haïr ?
Si ce funeste arrêt n’ébranle point le comte,
Je ne puis éviter, ou ma perte, ou ma honte,
Je péris par sa mort ; & le voulant sauver,
Le Lâche impunément aura sû me braver.
Que je suis malheureuse !

La Duchesse.

Que je suis malheureuse !On est, sans doute, à plaindre,
Quand on hait la rigueur, & qu’on s’y voit contraindre ;
Mais si le Comte osoit, tout condamné qu’il est,
Plûtôt que son pardon, accepter son arrêt,
Au moins de ses desseins, sans le dernier supplice,
La prison vous pourroit…

Élisabeth.

La prison vous pourroit…Non, je veux qu’il fléchisse,
Il y va de ma gloire, il faut qu’il céde.

La Duchesse.

Il y va de ma gloire, il faut qu’il céde.Hélas !
Je crains qu’à vos bontés il ne se rende pas,