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Scène II.

ÉLISABETH, LA DUCHESSE, TILNEY.
Élisabeth.

Et je ne répons pas…Et bien, Duchesse, à quoi
Ont pû servir les soins que vous prenez pour moi ?
Avez-vous vû le comte, & se rend-il traitable ?

La Duchesse.

Il fait voir un respect pour vous inviolable ;
Et si vos intérêts ont besoin de son bras,
Commandez, le péril ne l’étonnera pas ;
Mais il ne peut souffrir, sans quelque impatience,
Qu’on ose auprès de vous noircir son innocence,
Le crime, l’attentat, sont des noms pleins d’horreur
Qui mettent dans son ame une noble fureur ;
Il se plaint qu’on l’accuse, & que la reine écoute
Ce que des imposteurs…

Élisabeth.

Ce que des imposteurs…Je lui fais tort sans doute.
Quand jusqu’en mon palais il ose m’assiéger,
Sa révolte n’est rien, je la dois négliger ;
Et ce qu’avec l’Irlande il a d’intelligence,
Marque dans ses projets la plus haute innocence.
Ciel ! Faut-il que ce cœur qui se sent déchirer,
Contre un Sujet ingrat tremble à se déclarer ?
Que ma mort qu’il résout me demandant la sienne,
Une indigne pitié m’étonne, me retienne,
Et que toujours trop foible, après sa lâcheté,
Je n’ose mettre enfin ma gloire en sûreté ?
Si l’amour une fois laisse place à la haine,
Il verra ce que c’est que d’outrager sa reine,