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Par le fer, par le feu, par tout ce qui peut être,
J’aurois de ce palais voulu me rendre maître.
C’en est fait, biens, trésors, rang, dignités, emploi,
Ce dessein m’a manqué, tout est perdu pour moi.

Salsbury.

Que m’apprend ce transport ?

Le Comte.

Que m’apprend ce transport ?Qu’une flamme secrette
Unissoit mon destin à celui d’Henriette,
Et que de mon amour son jeune cœur charmé
Ne me déguisoit pas que j’en étois aimé.

Salsbury.

Le Duc d’Irton l’épouse, elle vous abandonne,
Et vous pouvez penser…

Le Comte.

Et vous pouvez penser…Son hymen vous étonne ;
Mais enfin apprenez par quels motifs secrets
Elle s’est immolée à mes seuls intérêts.
Confidente à la fois, & fille de la reine,
Elle avoit sû vers moi le panchant qui l’entraîne.
Pour elle, chaque jour, réduite à me parler,
Elle a voulu me vaincre, & n’a pû m’ébranler ;
Et voyant son amour, où j’étois trop sensible,
Me donner pour la reine un dédain invincible,
Pour m’en ôter la cause en m’ôtant tout espoir,
Elle s’est mariée… Hé, qui l’eût pû prévoir ?
Sans cesse, en condamnant mes froideurs pour la reine,
Elle me préparoit à cette affreuse peine ;
Mais après la menace, un tendre & prompt retour
Me mettoit en repos sur la foi de l’amour ;
Enfin, par mon absence à me perdre enhardie,
Elle a contre elle-même usé de perfidie ;
Elle m’aimoit sans doute, & n’a donné sa foi,
Qu’en m’arrachant un cœur qui devoit être à moi.
À ce funeste avis quelles rudes alarmes !
Pour rompre son Hymen j’ai fait prendre les armes,