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Salsbury.

L’état fleurit par vous, par vous on le redoute ;
Mais enfin quelque sang que la gloire vous coûte,
Comme un sujet doit tout, s’il s’oublie une fois,
On regarde son crime, & non pas ses exploits.
On veut que vos amis, par de sourdes intrigues,
Se soient mêlés pour vous de cabales, de ligues ;
Qu’au comte de Tyron ayant souvent écrit,
Vous ayez ménagé ce dangereux esprit,
Et qu’avec l’Irlandois appuyant sa querelle,
Vous preniez le parti de ce peuple rebelle.
On produit des témoins, & l’indice est puissant.

Le Comte.

Et que peut leur rapport si je suis innocent ?
Le comte de Tyron que la reine appréhende,
Voudroit rentrer en grace, y remettre l’Irlande,
Et je croirois servir l’état plus que jamais,
Si mon avis suivi pouvoit faire la paix.
Comme il hait les méchans, il me seroit utile
À chasser un Coban, un Raleg, un Cécile,
Un tas d’hommes sans nom, qui lâchement flatteurs,
Des désordres publics font gloire d’être auteurs.
Par eux tout périra, la reine qu’ils séduisent,
Ne veut pas que contre eux les gens de bien l’instruisent.
Maîtres de son esprit, ils lui font approuver
Tout ce qui peut servir à les mieux élever.
Leur grandeur se formant par la chûte des autres…

Salsbury.

Ils ont leurs intérêts, ne parlons que des vôtres.
Depuis quatre ou cinq jours sur quels justes projets
Avez-vous de la reine assiégé le palais,
Lorsque le duc d’Irton épousant Henriette…

Le Comte.

Ah, faute irréparable, & que trop tard j’ai faite !
Au lieu d’un Peuple lâche & prompt à s’étonner,
Que n’ai-je eu pour secours une armée à mener !