Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tu vois, Antilochus, comme je suis traité,
C’est peu qu’à mon amour tout espoir soit ôté,
C’est peu que la nature immolant ce que j’aime,
En faveur d’un Rival se trahisse elle-même,
On veut qu’impunément je me laisse outrager,
Et je suis criminel si j’ose me venger.
Conçois-tu quelque peine au delà du supplice
Où d’un père endurci m’expose l’injustice ?
Parle, affaibli mes maux, et lorsque je me rends,
Convaincs-moi s’il se peut qu’il en est de plus grands.

ANTILOCHUS

Achille me surprend, et j’eusse eu peine à croire
Que de tant de rigueur il eut pu faire gloire.
Se ranger contre vous du parti d’un rival !

PYRRHUS

C’est une barbarie à qui rien n’est égal.
Plutôt que se résoudre à me déchirer l’âme,
C’est mon père, il devoit porter par tout la flamme,
Perdre, saccager Troie, et sur ses murs détruits
Élever un trophée à mes tristes ennuis.
Au moins en poursuivant cette entière victoire,
Le sang de quelques Grecs auroit vengé ma gloire,
Et dans ce prompt carnage où l’on n’épargne rien,
Mon ennemi peut-être auroit payé du sien.
Mais en vain à ma rage il prétend se soustraire,
En vain contre le Fils il prend l’appui du père,
Rien n’échappe aux fureurs d’un Amant qui perd tout,
Et qui veut se venger en vient toujours à bout.