Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée

’autres,
Et doute qu’aisément on eut conclu la paix,
Sans l’hymen imprévu qui trompe vos souhaits.

PYRRHUS

Qui trompe mes souhaits ? Seigneur, jamais Hélène
N’a causé tant de maux qu’en fera Polixène.
Elle m’aime, et Priam se déclaroit pour moi,
Je n’examine point qui me vole sa foi,
Quel rival m’ose ôter sa main presque donnée,
Si c’est Agamemnon, Ajax, Idomenée ;
Mais soit Idomenée, Ajax, Agamemnon,
Le coup m’arrache l’âme, on m’en fera raison.
Oui, pour le prévenir, quoiqu’un lâche prétende,
Il n’est sang chez les Grecs que mon bras ne répande,
Ma vengeance peut-être y portera l’effroi.

ACHILLE

Prince, vous oubliez que vous parlez à moi.
Quoique put votre amour avoir de violence,
Vous deviez par respect le contraindre au silence,
De vos égarements prendre un autre témoin.

PYRRHUS

J’ai tort, et devant vous ma fureur va trop loin,
Mais pour me souvenir que vous m’avez fait naître,
Sais-je assez qui je suis, et puis-je me connoître ?
Je cède à la raison que je dois écouter,
La joie à vos genoux m’a fait d’abord jeter,
De l’ardeur de ma flamme elle étoit l’interprète,
C’est pour elle à présent que la douleur m’y jette.
Faites grâce aux transports d’un désespoir jaloux,
Et qui les doit, Seigneur, mieux excuser que vous ?
Briseis sous ses lois tient votre âme asservie.
Quand par Agamemnon elle vous fut ravie,
A quels sanglants effets votre amour outragé
N’osa-t-il pas porter l’ardeur d’être vengé ?
Ce que vous fit souffrir un feu si beau, si tendre,
N’en dit que trop pour moi si vous voulez l’entendre,
Et Briseis aimée étale en ma faveur
Tout ce qui peut m’aider à fléchir votre cœur.