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En deux ans je n’ai pû réussir à vous plaire ;
Après un mois de soins, l’Inconnu l’a sû faire ;
Votre panchant pour lui ne peut se démentir,
Je voi qu’il vous emporte, il faut y consentir.

La Comtesse.

Vous le dites d’un air si plein de confiance,
Qu’il semble…

Le Marquis.

Qu’il semble…Je le dis, parce que je le pense.

La Comtesse.

Un si beau sacrifice est digne d’un amant ;
Mais d’où vient que tantôt vous parliez autrement ?
Inquiet, alarmé, vous me faisiez un crime
De ce que l’Inconnu m’avoit surpris d’estime ;
Le louer, c’étoit faire outrage à votre foi.

Le Marquis.

C’est qu’alors mon amour ne regardoit que moi ;
Il a vû son erreur ; & la secrette honte
D’écouter pour lui-même une chaleur trop prompte,
L’a rendu si conforme à tout ce qui vous plaît,
Qu’il fait de vos desirs son plus cher intérêt.

La Comtesse.

C’est trop, pour l’Inconnu je les ferai paroître.
Je dois chérir sa flamme, & dès demain, peut-être,
Puis que c’est pour vos vœux un spectacle si doux,
Vous aurez le plaisir de le voir mon Époux.

Le Marquis.

J’aurai ce plaisir ?

La Comtesse.

J’aurai ce plaisir ?Oui, rien n’y peut mettre obstacle,
Mon choix sera pour lui.

Le Marquis.

Mon choix sera pour lui.J’attendrai ce miracle.
Ainsi, donc le voyant, d’abord vous l’aimerez ?

La Comtesse.

Si je ne l’aime pas, vous m’en accuserez.