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Laissant à leurs efforts nos escadrons en proie,
Je fis plus pour Priam que tous les dieux de Troie.
Patrocle est mort, quel sang n’a point coulé pour lui !
Que de haine ! l’amour en triomphe aujourd’hui,
Il m’arrache aux transports qui pressoient ma vengeance,
Et quand des traits si doux m’ont trouvé sans défense,
Un Fils dont ma pitié tremble à régler le sort,
M’apprend que cet amour est l’arrêt de sa mort.
Briseis qui m’en vient expliquer l’injustice,
Le seconde, m’accable, et c’est là mon supplice.
Je dois à tous les deux ce qu’ils veulent de moi,
La nature est pour l’un, l’autre a reçu ma foi.
Mais ces nœuds sont sans force, et ma victoire est vaine
Sitôt que je commence à revoir Polixène.
Mon cœur qu’ont asservi des charmes si puissants
Se range tout à coup du parti de mes sens,
Et contre ces assauts mon courage inutile
Ne trouve plus en moi ce fier, ce fort Achille,
Qui du sort des Troyens arbitre glorieux,
Maîtrisoit la fortune, et tenoit tête aux Dieux.
Cédons, puisqu’il le faut, je suis lâche, infidèle,
Mais pour y renoncer, Polixène est trop belle.
Si je ne la puis voir favorable à mes vœux,
Au moins j’empêcherai qu’un autre soit heureux,
Et peut-être l’hymen en qui ma flamme espère,
lui fera de l’amour un devoir nécessaire.
Allons trouver Priam, et sans plus balancer,
Demandons un accord où je puis le forcer.