Malgré ce que le temps m’a dû prêter d’appui,
C’est l’inconnu qu’on aime, & vous pensez à lui.
Vous l’avez deviné. Ses galantes manieres,
Si propres à gagner les ames les plus fieres,
M’obligent tellement qu’à ce qu’il fait pour moi
Un peu de rêverie est le moins que je doi ;
Je puis me la souffrir sur tout ce qui se passe.
Quoi, Madame, un rival…
S’il m’occupe l’esprit, vous devez présumer
Que c’est pour le connoître, & non pas pour l’aimer.
Après ce que pour moi ses soins marquent de zéle,
La curiosité n’est pas fort criminelle ;
Et vous-même déjà vous auriez dû tâcher
D’éclaircir le secret qu’il aime à nous cacher.
Je vous l’éclairciriis ! Promettez-moi, Madame,
Que votre main sera l’heureux prix de ma flamme ;
Et pour le découvrir, je fais ce que je puis.
Cherchez à me tirer de la peine où je suis,
Vous me ferez plaisir, & je vous le conseille.
Est-il contre un amant injustice pareille ?
Si l’inconnu par moi se découvre aujourd’hui,
Voudrez-vous point encor que je parle pour lui ?
Qu’en faveur de son feu le mien vous sollicite ?
Il peut, je le confesse, avoir plus de mérite,
À l’ardeur de ses soins donner un plus grand jour ;
Mais jamais, quoi qu’il fasse, il n’aura plus d’amour.
Je le veux croire ainsi ; mais puis-je avec justice
De son attachement vous faire un sacrifice,