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Je pouvois le savoir, mais mon inquiétude
Du malheur dont je tremble a craint la certitude,
Et de cette frayeur vivement possédé,
De peur d’apprendre trop, je n’ai rien demandé.
Vaines précautions ! Qu’est-ce que je redoute ?
Pyrrhus aimé ? Non, non, il ne l’est point sans doute,
L’éclat seul qui pourroit faire estimer sa foi,
Il le tient de l’honneur d’être sorti de moi ;
D’aucun exploit fameux la gloire consommée
N’a fait en sa faveur parler la Renommée ;
Et la Cour de Priam ne le connoît encor,
Que sous le nom honteux de prisonnier d’Hector,
L’affront d’être vaincu lui fit voir Polixène ;
Mais de quel fol espoir veux-je flatter ma peine ?
Quoiqu’à voir le mérite un cœur trouve de jour,
A-t-on d’autre raison pour aimer que l’amour,
Et vers ce qui nous plaît toute l’âme entraînée,
Prend-elle ailleurs des lois que de la destinée ?
Ah, s’il faut que le Ciel de fureur animé
M’apprête le tourment de voir Pyrrhus aimé,
Quoique j’aie à souffrir, au moins pour ma vengeance…

ALCIME

Modérez ce transport, le voici qui s’avance.


Scène IV


Achille, Pyrrhus, Alcime.

PYRRHUS

Seigneur, Briseis vient de me faire savoir
L’appui que vos bontés prêtent à mon espoir,
Et la reconnoissance où mon devoir m’engage,
En demande à mon zèle un si prompt témoignage,