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Scène II


Briseis, Achille, Phénice, Alcime.

BRISEIS

Seigneur, de mon amour ne blâmez point l’audace
S’il vient vous demander une nouvelle grâce.
Le vôtre s’est pour moi tant de fois déclaré
Qu’il m’est de vos bontés un garant assuré,
Et sur leur noble excès je n’ai point eu de peine
À me faire vers vous l’appui de Polixène.
Elle n’est point, Seigneur, digne de ses malheurs,
Je l’ai vue, et la viens de quitter toute en pleurs.
Troie aux fureurs des Grecs depuis dix ans en bute,
Le Trône de son père à deux doigts de sa chute,
Le reste de son sang tout prêt d’être versé,
Des plus rudes frayeurs tiennent son cœur pressé.
La paix de tant de maux dissipant les menaces,
Adouciroit l’aigreur de ses autres disgrâces.
Voyez pour l’obtenir qu’elle vous tend les bras,
Ulysse que j’ai vu ne s’en éloigne pas,
Et lorsqu’à la rigueur Patrocle vous convie,
Assez de sang peut-être a coulé pour sa vie.
Achevez d’oublier cette funeste mort,
Polixène vaut bien ce généreux effort.
La modeste douleur qui fait parler ses larmes
Ajoute à sa beauté de si sensibles charmes,
Que le cœur qui pour elle en la voyant s’émeut,
Semble aller au devant de tout ce qu’elle veut,
Et si de ses ennuis la déplorable image…

ACHILLE

Madame, il ne faut point m’en dire davantage.