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astérie

Et quel fruit espérer d’une telle foiblesse ?
Quant à moi, j’en voudrois user tout autrement ;
Et si l’on me venoit apprendre
L’infidélité d’un Amant,
Sans lui donner le plaisir de m’entendre
Soupirer de son changement,
Fût-ce des amours le plus tendre,
J’irais dans le même moment
De mon cœur avec lui rompre l’engagement ;
Et s’agissant de le reprendre,
J’en aurois plus d’empressement,
Qu’il n’en auroit de me le rendre.

mélicerte

Hélas ! Quel remède à m’offrir !
L’amour d’un tel effort rend-il nos cœurs capables
Et dans des maux au mien semblables
N’a-t-on qu’à le vouloir, pour cesser de souffrir ?

astérie

Il n’en est guère d’incurables,
Quand on se met en tête d’en guérir.
J’en parle sans expérience,
Et je n’ai pas vécu ce qu’il faut pour avoir
Une parfaite connoissance
De ce que sur un cœur l’amour prend de pouvoir
Mais comme l’on soutient avec tant d’assurance,
Que toujours là-dessus on sait plus qu’on ne pense,
Sans savoir rien, je pense tout savoir.

mélicerte

Je connois d’où vient ma disgrâce.
L’Amour dans ce palmois, pour troubler mon bonheur,
A conduit le Prince de Thrace ;
C’est lui qui de Circé me dérobe le cœur.
J’aurois déjà puni ce rival téméraire,
Si je n’avois appris qu’il l’ose dédaigner ;
Ainsi je le veux épargner,
Pour le livrer à sa colère.