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silla

Leur flamme est sitôt amortie,
Qu’on les peut croire tous portés au changement.
Le Soleil n’a-t-il pas abandonné Clitie,
Lui qui sembloit l’aimer si tendrement ?
Croyez-moi, leur amour n’approche point du nôtre.
Si c’est gloire qu’un Dieu, quand on l’a pour Époux,
Il en faut essuyer mille chagrins jaloux ;
Et Jupiter lui-même, à le dire entre nous,
N’est pas meilleur Mari qu’un autre.

glaucus

Mais par son peu d’amour quels ennuis aujourd’hui
Ne vous cause pas Mélicerte ?

silla

Il est vrai, je soupire, et ce n’est que par lui
Qu’aux soupirs mon âme est ouverte.
Il s’est éloigné sans me voir,
Sans m’apprendre en quel lieu son mauvais sort l’exile.
À le faire chercher mon soin est inutile,
Je demande, m’informe, et n’en puis rien savoir.
Son incertaine destinée
À mon esprit flottant cause mile embarras.
Il peut être infidèle, il peut ne l’être pas.
Mais enfin je puis voir ma peine terminée,
Et sortir de ce mauvais pas.
Il est un sûr moyen d’éclaircir le mystère
De son départ précipité.

glaucus

Employez-le, Madame, et faites vanité
D’étaler à mes yeux ce qui me désespère.
Pour moi, qui vois que de vous plaire
Tout espoir désormais à ma flamme est ôté,
Je ne serai plus arrêté
Par un respect qui m’est contraire.
Je vais devenir téméraire,
Et pour réduire enfin votre ingrate fierté,
Il n’est rien que je n’ose faire.