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Léandre est ami de ton maître,

On l'aime ici déjà plus qu'on ne fait paroilre ;

Qu'il amuse la tante et l'endorme si bien

Qu'Oronte avec la nièce ait un libre entretien.

Philipin

Oui, mais tune dis pas que ce Léandre enrage

D'avoir déjà dix fois joué ce personnage ;

Il est soûl de la tante, et n'en veut plus tâter.

Lisette

Voyez que c'est bien là de quoi se rebuter.

La pauvre nièce et moi nous en souffrons bien d'autres,

Et peut-être il n'est point d'ennuis pareils aux nôtres;

Ma foi, c'est charité que de nous secourir.

Philipin

Mais avant qu'attraper il faut long-temps courir,

Et de l'air dont elle est par la tante gardée.

Lisette

Le désir d'un mari l'a si fort possédée

Que, comme elle en veut un quoi qu'il puisse coûter,

La nièce n'est jamais en pouvoir d'écouter.

Depuis neuf à dix mois que dure le veuvage

La vieille requinquée a l'amoureuse rage,

Dans le premier venu croit voir un protestant,

S'en fait conter par force, et s'offre au même instant.

Ainsi point de quartier tant qu'elle ait eu son compte.

Mais, dis-moi, cet époux que promettait Oronte,

Ce baron d'Albikrac est long-temps à venir?

Philipin

Quelque obstacle maudit l'aura pu retenir :

Nous le saurons bientôt ; un certain La Montagne

Chez nous, quand j'en sortois, arrivoit de Bretagne;

Il en rapportera ce que tu veux savoir.

Lisette

A vanter ce baron j'ai bien fait mon devoir.

Sur ce que j'en ai dit notre tante charmée Par lettres aussitôt de lui s'est informée.

Philipin