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Je jure par les Dieux, par ces Dieux qui peut-être
S’uniront avec moi pour me venger d’un Traître,
Que j’oublierai Thésée, et que pour m’émouvoir,
Remords, larmes, soupirs, manqueront de pouvoir.

PIRITHOÜS.

Madame, si j’osois…

ARIANE.

Non, parjure Thésée,
Ne crois pas que jamais je puisse être apaisée.
Ton amour y feroit des efforts superflus.
Le plus grand de mes maux est de ne t’aimer plus ;
Mais après ton forfait, ta noire perfidie,
Pourvu qu’à te gêner le remords s’étudie,
Qu’il te livre sans cesse à de secrets Bourreaux,
C’est peu pour m’étonner que le plus grand des maux,
J’ai trop gémi, j’ai trop pleuré tes injustices,
Tu m’as bravée ; il faut qu’à ton tour tu gémisses.
Mais quelle est mon erreur ? Dieux, je menace en l’air.
L’Ingrat se donne ailleurs quand je crois lui parler.
Il goûte la douceur de ses nouvelles chaînes.
Si vous m’aimez, Seigneur, suivons-le dans Athènes.
Avant que ma Rivale y puisse triompher,
Partons ; portons-y plus que la flamme et le fer.
Que par vous la Perfide entre mes mains livrée
Puisse voir ma fureur de son sang enivrée.
Par ce terrible éclat signalez ce grand jour,
Et méritez ma main en vengeant mon amour.

OENARUS.

Consultons-en le temps, Madame, et s’il faut faire…

ARIANE.

Le temps ! Mon désespoir souffre-t-il qu’on diffère ?
Puisque tout m’abandonne, il est pour mon secours
Une plus sûre voie, et des moyens plus courts.
Tu m’arrêtes, cruel ?

Elle se jette sur l’épée de Pirithoüs

NÉRINE.

Que faites-vous, Madame ?