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Vous voyant auprès d’elle, et mon amour extrême
Ne pouvant avec vous s’expliquer par vous-même,
Ce que je lui disois d’engageant et de doux,
Vous ne saviez que trop qu’il s’adressoit à vous.
Je n’examinois point en vous ouvrant mon âme,
Si c’étoit d’Ariane entretenir la flamme.
Je songeois seulement à vous marquer ma foi,
Je me faisois entendre, et c’étoit tout pour moi.

PHÈDRE.

Dieux, qu’elle en souffrira ! Que d’ennuis ! Que de larmes !
J’en sens naître en mon cœur les plus rudes alarmes.
Il voit avec horreur ce qui doit arriver,
Cependant j’ai trop fait pour ne pas achever.
Ces foudroyants regards, ces accablants reproches,
Dont par son désespoir je vois les coups si proches,
Pour moi, pour une Soeur, sont plus à redouter
Que cette triste mort qu’elle croit m’apprêter.
Elle a su votre amour, elle saura le reste.
De ses pleurs, de ses cris, fuyons l’éclat funeste,
Je vois bien qu’il le faut, mais las !

THESEE.

Vous soupirez ?

PHÈDRE.

Oui, Prince, je veux trop ce que vous désirez.
Elle se fie à moi cette Soeur, elle m’aime,
C’est une ardeur sincère, une tendresse extrême,
Jamais son amitié ne me refusa rien.
Pour l’en récompenser je lui vole son bien,
Je l’expose aux rigueurs du sort le plus sévère,
Je la tue, et c’est vous qui me le faites faire.
Pourquoi vous ai-je aimé ?

THESEE.

Vous en repentez-vous ?

PHÈDRE.

Je ne sais ; pour mon cœur il n’est rien de plus doux,
Mais vous le remarquez, ce cœur tremble, soupire,
Et perdant uns Soeur, si j’ose encor le dire,