Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/613

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mon sang doit s’apprêter à laver son outrage.
Vous l’avez voulu, Prince, achevez votre ouvrage.

THESEE.

À quoi que son courroux puisse être disposé,
Il est pour s’en défendre un moyen bien aisé.
Ce calme qu’elle affecte afin de me surprendre,
Ne me fait que trop voir ce que j’en dois attendre.
La foudre gronde, il faut vous mettre hors d’état
D’en ouïr la menace, et d’en craindre l’éclat.
Fuyons d’ici, Madame, et venez dans Athènes,
Par un heureux hymen, voir la fin de nos peines.
J’ai mon Vaisseau tout prêt. Dès cette même nuit
Nous pouvons de ces lieux disparaître sans bruit.
Quand même pour vos jours nous n’aurions rien à craindre,
Assez d’autres raisons nous y doivent contraindre.
Ariane forcée à renoncer à moi,
N’aura plus de prétexte à refuser le Roi.
Pour son propre intérêt il faut s’éloigner d’elle.

PHÈDRE.

Et qui me répondra que vous serez fidèle ?

THESEE.

Ma foi, que ni le temps, ni le Ciel en courroux…

PHÈDRE.

Ma Soeur l’avoit reçue en fuyant avec vous.

THESEE.

L’emmener avec moi fut un coup nécessaire.
Il falloit la sauver de la fureur d’un Père,
Et la reconnoissance eut part seule aux serments
Par qui mon cœur du sien paya les sentiments.
Ce cœur violenté n’aimoit qu’avec étude ;
Et quand il entreroit un peu d’ingratitude
Dans ce manque de foi qui vous semble odieux,
Pourquoi me reprocher un crime de vos yeux ?
L’habitude à les voir me fit de l’inconstance
Une nécessité dont rien ne me dispense ;
Et si j’ai trop flatté cette crédule Soeur,
Vous en êtes complice aussi bien que mon cœur.