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Scène IV

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Ariane, Thésée, Nérine

ARIANE.

Approchez-vous, Thésée, et perdez cette crainte.
Pourquoi dans vos regards marquer tant de contrainte,
Et m’aborder ainsi, quand rien ne vous confond,
Le trouble dans les yeux, et la rougeur au front ?
Un Héros tel que vous, à qui la gloire est chère,
Quoi qu’il fasse, ne fait que ce qu’il voit à faire ;
Et si ce qu’on m’a dit a quelque vérité,
Vous cessez de m’aimer, je l’aurai mérité.
Le changement est grand, mais il est légitime,
Je le crois. Seulement apprenez-moi mon crime ;
Et d’où vient qu’exposée à de si rudes coups,
Ariane n’est plus ce qu’elle fut pour vous.

THESEE.

Ah, pourquoi le penser ? Elle est toujours la même,
Même zèle toujours suit mon respect extrême,
Et le temps dans mon cœur n’affaiblira jamais
Le pressant souvenir de ses rares bienfaits ;
M’en acquitter vers elle est ma plus forte envie.
Oui, Madame, ordonnez de mon Sang, de ma vie.
Si la fin vous en plaît, le sort me sera doux
Par qui j’obtiendrai l’heur de la perdre pour vous.

ARIANE.

Si quand je vous connus la fin eût pu m’en plaire,
Le Destin la vouloir, je l’aurois laissé faire.
Par moi, par mon amour, le Labyrinthe ouvert
Vous fit fuir le trépas à vos regards offert ;
Et quand à votre foi cet amour s’abandonne,
Des serments de respect sont le prix qu’on lui donne !
Par ce soin de vos jours qui m’a fait tout quitter,
N’aspirois-je à rien de plus qu’à me voir respecter ?